Des carnets inédits du chef des Croix-de-Feu
Sur la couverture du livre, la photo montre des rangées d’hommes coiffés d’un béret, défilant devant la statue de Jeanne d’Arc, rue de Rivoli, à Paris, en 1935. A leur tête, le colonel de La Rocque, chef des Croix-de-Feu. Le titre, Je suis républicain, contraste avec l’image. Dans la version de l’histoire qui domine l’esprit public, le mouvement Croix-de-Feu est assimilé aux diverses ligues d’extrême droite qui fleurissaient avant-guerre. Or La Rocque avait rédigé entre 1943 et 1944, quand il était prisonnier des Allemands pour faits de Résistance, des carnets qui, restés inédits, sont publiés aujourd’hui, précédés d’une introduction de Serge Berstein, un spécialiste de la IIIe République. Ceux-ci montrent que François de La Rocque n’était pas un fasciste, mais un officier qui, entré en politique, n’a jamais voulu sortir de la légalité, et un patriote de droite qui a voulu agir au sein d’un système où rien n’était prêt à accueillir ses idées, puisque tous les partis organisés de la IIIe République, initialement, du Parti radical au Parti socialiste et plus tard au Parti communiste, étaient des formations de gauche.
Ayant quitté l’armée en 1928, La Rocque adhère aux Croix-de-Feu, une association d’anciens combattants, et en devient président en 1931. Lors du 6 février 1934, son mouvement ne se mêle pas aux autres manifestants, ce qui lui vaudra l’accusation d’avoir reçu des fonds secrets du gouvernement. Dissous par le Front populaire en 1936, les Croix-de-Feu donnent naissance au Parti social français qui est, avec près de un million d’adhérents, le plus grand parti de droite en 1939 et qui prépare activement les législatives de 1940, lesquelles n’auront pas lieu… D’abord loyal envers Pétain, mais hostile à la Collaboration, La Rocque est arrêté par la Gestapo, en 1943, puis interné dans le Reich. Libéré par les Américains en mai 1945, il est incarcéré après son retour en France, sans véritable chef d’inculpation. Placé en résidence surveillée, il meurt en 1946, à la suite d’une intervention chirurgicale, laissant à la postérité le soin de défendre sa mémoire. Ce texte, à cet égard, apporte sa pierre à l’histoire trouble des années 1930 et éclaire les coulisses du régime de Vichy.
Jean Sévillia
Pourquoi je suis républicain, par le colonel de La Rocque, introduction de Serge Berstein, Seuil, 346 p., 21 €.